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Goethe, poète, scientifique...
- Zur
Farbenlehre, un vaste écrit de près de 1000 pages
dans l'édition de Munich, est paru en 1810. Le Traité
des Couleurs en est la partie didactique. Zur
Farbenlehre comprend aussi une partie polémique consacrée
à la controverse qui opposa Goethe aux défenseurs de la
théorie des couleurs d'Isaac Newton, et une partie historique,
Materialen
zur Geschichte der Farbenlehre, dans laquelle Goethe
traite de la genèse de son étude des couleurs.
- La question
des couleurs a préoccupé Goethe de façon presque permanente
à partir de 1790, jusqu'à la fin de sa vie en 1832,
où en janvier et février il correspond avec S. Boisserrée
sur l'arc-en-ciel et «le matin de sa propre mort, il veut
encore procéder à des expériences sur les phénomènes chromatiques.»
*
. Goethe a donc consacré plus de quarante ans à son étude
des couleurs.
- Certains auteurs
pensent ironiquement que l'interêt porté encore actuellement
aux études scientifiques de Goethe serait bien loin d'être
aussi grand s'il n'avait pas, avant tout, été un grand poète.
Mais c'est le contraire qu'il faudrait dire : Goethe
n'aurait peut-être pas été un aussi grand poète s'il n'avait
pas autant étudié la nature ! Il l'a fait avec science
et art, avec rigueur et avec amour, et qu' il se soit parfois
trompé, comme tout chercheur, ne peut pas nous permettre
de douter de sa clairvoyance ni servir d'objection à ses
écrits scientifiques.
- Goethe s'est
non seulement passionné pour les couleurs, la chromatologie,
mais il a étudié la minéralogie, la géologie, la morphologie,
la botanique, l'archéologie, la météorologie... il a beaucoup
écrit sur ces sujets : des écrits scientifiques et
épistémologiques, mais aussi des poèmes (il voulait écrire
un grand poème (comme le De
La Nature des Choses de Lucrèce) qui regrouperait
toutes ses connaissances sur le monde) et d'autres textes
littéraires.
- Genèse
de la Farbenlehre
Le voyage en Italie, entre 1786 et 1790, semble être
à l'origine des études de Goethe sur les couleurs (et
sur la botanique aussi) : il rapporte de ce voyage
"tout un trésor d'expériences visuelles, d'impressions
lumineuses (...)"*
et colorées qui ont impressionné en lui le poète, mais
aussi le peintre et le scientifique. Bien sûr, vingt ans
plus tôt, on peut trouver ici ou là dans les textes de
Goethe (lettres, poèmes...) les intuitions de ce qu'il
formulera et ordonnera de plus en plus clairement jusqu'à
la Farbenlehre de 1810 : le Beiträge
zur Optik (contributions à l'optique) à partir
de 1791 jusqu'en 1794, en quatre volumes, Der Versuch
als Vermittler von Objekt und Subjekt à partir de
1792, traduit par La
médiation de l'objet et du sujet dans la démarche expérimentale,
l'Essai
pour découvrir les éléments de la théorie des couleurs
de 1793, l'Erfahrung und Wissenschaft en 1798,
traduit par Expérience
vécue et science, et l'important
échange de lettres
avec son ami Schiller ( surtout entre le 10 janvier 1798
et le 22 mai 1803).
Goethe a lui-même
montré les sources de ses travaux sur les couleurs dans
les Materialen zur Geschichte des Farbenlehre,
(Maurice
Elie a traduit, depuis la rédaction de cette Contribution, cette troisième partie de la Farbenlehre de Goethe sous le titre de Matériaux pour l'histoire de la théorie des couleurs ainsi que la seconde, La théorie de Newton dévoilée, aux Presses Universitaires du Mirail).
Il faut lire aussi ce qu'a écrit Goethe à son retour d'Italie :
le Voyage
en Italie. Pour les non-germanistes, il existe ce
remarquable livre de Jean Lacoste : Goethe,
Science et Philososophie et l'Histoire
des Couleurs de Manlio Brusatin. On peut trouver
d'autres renseignements dans le livre très détaillé de l'historien
René Michéa, Les
travaux scientifiques de Goethe (même si le ton
ironique ou condescendant de l'auteur est un peu gênant,
il est compréhensible, ce livre ayant été publié en 1943).
- Un
mur blanc
Avant de s'intéresser aux couleurs, Goethe admettait
la théorie de Newton. A son retour d'Italie, en 1788,
comme il l'écrit dans sa Confession des Verfassers,
la dernière partie des Materialen, il a emprunté
le matériel d'optique du conseiller Büttner ; au
moment de le lui rendre, n'ayant pas eu le temps de s'en
servir, il regarda un mur blanc à travers un prisme de
verre s'attendant à voir les sept couleurs prévues par
la doctrine officielle ; or, sauf au voisinage de
l'obscurité, le mur est resté blanc.
Si cette histoire est un peu littéraire, c'est vraisemblablement
par souci de se faire comprendre : Pour qu'à travers
un prisme, des couleurs apparaissent, il faut de l'obscurité
et de la lumière ; c'est entre elles, à la limite
entre sombre et clair que des couleurs sont visibles.
Goethe n'est pas le premier à faire cette observation
ni à regarder directement dans un prisme : il prolonge
(même s'il ne l'écrit pas explicitement) la critique anti-newtonienne
du XVIIème siècle, les théories de la couleur du Moyen
Age et celles de l'Antiquité : la modification
de la lumière par l'obscurité.
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